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Est-ce que l’intelligence artificielle nous rend plus bêtes ?

  • Photo du rédacteur: Stéphane Guy
    Stéphane Guy
  • 16 févr.
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 mars

La démocratisation des agents conversationnels comme Gemini, ChatGPT ou DeepSeek a profondément changé le quotidien de nombreuses personnes. Ces programmes reposant sur l’intelligence artificielle sont désormais capables d’effectuer certaines tâches basiques à la place de l’humain : rédaction de réponses automatiques, création de plans pour des articles, résolutions de problèmes de mathématiques… l’IA fait tellement de choses à notre place que l’on peut se demander si, à terme, notre intellect ne va pas en être affecté. Et si, à force de tout déléguer à l’IA, nous devenions plus bêtes ou fainéants ?

Un enfant fait des exercices sur un cahier
Photo de Annie Spratt sur Unsplash

En Bref


  • L’intelligence artificielle s’intègre de plus en plus dans notre quotidien, simplifiant de nombreuses tâches.

  • Son usage excessif peut entraîner une dépendance, affectant notre mémoire, notre concentration et notre esprit critique.

  • L’IA peut aussi altérer nos compétences sociales et créatives en fournissant des réponses standardisées.

  • Toutefois, bien utilisée, elle peut être un outil d’apprentissage puissant et un catalyseur de créativité.

  • L’enjeu est donc de trouver un équilibre entre assistance technologique et développement intellectuel humain.


L’intelligence artificielle : un outil ou un frein à la réflexion et l’intelligence ?


Quelle est la place actuelle de l’intelligence artificielle dans notre quotidien ?


L’IA est de plus en plus présente dans nos vies, et se retrouve dans un très grand nombre d’outils et d'applications : algorithmes de sélections dans les plateformes de streaming, reconnaissance d’images, trajets par GPS, assistants IA… Pour illustrer cela, près de 80 % des recruteurs ont adopté l’IA générative dans leurs missions*. De plus, selon deux enquêtes internationales du Digital Education Council, 86 % des étudiants utilisent l’IA dans le cadre de leur formation, plus de la moitié au moins une fois par semaine.**



L’emploi de l’intelligence artificielle au quotidien n’est plus à démontrer. Et les progrès rapides des IA génératives peuvent également questionner le rapport que nous aurons avec elles. Si l’intelligence artificielle parvient à atteindre un stade de « conscience », ou que des entreprises proposent des « super IA », ou IA générales capable d’effectuer toutes les tâches, aurons-nous encore besoin de réfléchir ?

Un robot qui manipule un humain
L'intelligence artificielle risque-t-elle de se substituer à nos capacités de raisonnement ? Image générée par intelligence artificielle

L’IA, en partie responsable de l'appauvrissement cognitif de l'humanité ?


L’IA nous fournit des réponses instantanées…


Avec une utilisation aussi répandue de l’IA, peut-on craindre de manière légitime un appauvrissement de nos capacités intellectuelles ? C’est une possibilité, qui vient de pair avec une paresse accrue lorsque l’on utilise l’IA. En effet, des outils capables de fournir des réponses complètes et synthétiques à des questions plus ou moins complexes comme Claude ou Gemini peuvent créer une dépendance à une réponse instantanée et rapide. Par exemple, si l’on souhaite acheter un VTT rouge équipé d’accessoires spécifiques comme des clignotants intégrés, ou des pneus spécifiques, ChatGPT ou DeepSeek peuvent vous fournir une liste de vélos en quelques secondes. Vous n’avez plus besoin de chercher vous-même sur différents sites de vente de vélos, de régler les filtres… Le constat de tout cela est que l’IA nous rend paresseux, plus prédisposés à des réponses complètes directement et en quelques secondes. Bien que cela représente un gain de temps pour nous, cela peut aussi nous rendre moins patients ou enclins à chercher par nous-mêmes. C’est que ce démontre également un article de Forbes, qui précise que « avec des réponses immédiates disponibles, pourquoi perdriez-vous du temps supplémentaire à réfléchir ? »*



… et appauvrit nos capacités de concentration et notre mémoire


La conséquence suivante de cette rapidité de réponse et de cette paresse est une capacité de rétention de l’information et de concentration amoindrie. À l’instar des réseaux sociaux qui érodent notre mémoire et notre capacité à nous concentrer avec des contenus de faible qualité informationnelle et de courte durée, la possibilité d’obtenir des informations de manière immédiate et sans réfléchir par nous même peut affecter notre mémoire et notre concentration. Si vous devez rédiger un article de fond sur un thème particulier, ChatGPT ou DeepSeek sont capables de vous fournir plusieurs sources en quelques secondes, et peuvent même rédiger un article à votre place ! Quand on s’y habitue, difficile de revenir en arrière et croiser soi-même les sources, synthétiser les informations, etc. La recherche de l’information et la valeur ajoutée que l’humain peut apporter devient alors moins intéressante, voire « fatiguante ».


Les capacités sociales, un autre domaine à risque


Un domaine où l’IA excelle : répondre à notre place ! En effet, on ne sait parfois pas toujours comment répondre de manière adaptée à un collègue au travail, à une proposition d’emploi de la part d’une entreprise ou encore à un client. L’intelligence artificielle est capable de générer des réponses pertinentes à notre place. Une opportunité pour faciliter les échanges ?


Oui, mais également un risque d’éroder le lien entre les individus et notre capacité à communiquer. Si l’on se repose trop sur l’intelligence artificielle pour être notre interprète, nous ne saurons plus comment répondre à nos proches ou nos pairs dans certaines situations. Qu’en est-il de l’apprentissage des codes sociaux et de notre capacité à analyser un contexte en fonction de divers paramètres ?


La communication est d'ailleurs déjà affectée. En effet, des applications et sites Internet dédiés vous permettent de discuter avec des IA qui imitent des personnages de fiction ou des professions comme psychologue, professeur... Ce phénomène n'est plus si nouveau que ça, et des plateformes permettent aux utilisateurs et utilisatrices de discuter avec des centaines de personnages fictifs différents. C'est par exemple le cas de Chai, une application de discussion en ligne avec l'IA. Vous ne savez pas ce que c'est ? On vous explique ici c'est quoi Chai et comment fonctionne cette application.


Déléguer tout cela à l’IA est un risque qui peut affecter la qualité directe de nos écrits : syntaxe, grammaire, orthographe…


La perte de compétences critiques, analytiques et créatives


Toujours selon Forbes, l’intelligence artificielle pourrait être responsable de la perte de nos capacités d’analyse et de compréhension de sujets complexes. En effet, la génération de réponses synthétiques et complètes de la part d’IA génératives pourrait affecter « votre compréhension de sujets complexes, qui deviendra en deçà de vos véritables capacités ».*



Dans le même temps, le formatage des réponses données par les IA pourrait également être responsable d’une perte en créativité et en originalité dans les contenus créés par l’humain. On peut penser par exemple aux IA de génération d’images ou de musique, qui sont capables de créer pléthore de contenus, mais tous synthétisés à partir d’œuvres déjà existantes.

La bannière de l'album musical Mad Society

Les arguments en faveur d’une stimulation intellectuelle accrue par l'IA


L’IA comme outil d’apprentissage et de renforcement cognitif, quand elle est bien utilisée


L’intelligence artificielle, quand elle est utilisée de manière pertinente, peut avoir l’effet inverse et stimuler l’apprentissage humain. On le voit par exemple dans les plateformes de formation de Google, avec les ateliers numériques. L’entreprise américaine propose durant les parcours de formation de s’entraîner avec son IA intégrée, Gemini, à qui on peut poser es questions pour approfondir le cours. L’intelligence artificielle peut également nous poser des questions juste avant les quiz et les tests. De cette manière, l’IA est une extension du cursus d’apprentissage.


L’IA : un partenaire créatif ?


Si elle est utilisée à bon escient, l’IA peut nous aider à augmenter notre potentiel créatif. C’est en tous cas ce qu’affirment certaines sources sur le sujet, en précisant que l’intelligence artificielle « soutient également des activités créatives et intellectuelles. Cela concerne principalement des secteurs tels que le marketing, le design, le développement de logiciels et même le droit. L’IA peut écrire des textes, concevoir des graphiques, analyser des photos ou même générer du code. ».*



Sur ce plan, l’intelligence artificielle peut en effet être une source d’inspiration. J’ai moi-même déjà pu profiter de ses idées et/ou de ses suggestions quand je lui proposais mes idées, demandes et concepts en tout genre. ChatGPT, DeepSeek et les IA génératives permettent de creuser certains sujets sous un angle auquel nous n’avions pas forcément pensé, et peuvent même proposer de nouvelles idées. L’IA représente dans ce genre de cas un excellent outil, capable d’augmenter notre productivité et notre créativité.


L’impact de l’IA sur notre rapport à la connaissance


La transformation de l’accès à l’information


La facilité accrue de l’accès à l’information (et même de l’information précise et synthétique) peut avoir des effets sur la société. Parlons par exemple de l’effet Google, identifié et théorisé en 2011 par Betsy Sparrow, Jenny Liu et Daniel M. Wegner. Cet effet a permis de montrer que l’arrivée des moteurs de recherche comme Google ainsi que l’accès immédiat à l’information affecte la capacité de mémorisation et de recherche des individus. Concrètement, les gens sont « plus enclins à se souvenir d’où trouver une information que de l’information elle-même ». L’étude réalisée par les trois chercheurs met plusieurs points importants en lumière : « L’effet Google conduit à une substitution de la mémoire personnelle par une mémoire numérique, où les individus se fient davantage à Internet pour stocker des informations. Le phénomène est aussi appelé “amnésie numérique”, où les personnes oublient des informations qu’elles ont externalisées sur des appareils numériques. La dépendance excessive à ces outils numériques peut limiter notre capacité à construire du sens et à réfléchir indépendamment. »*



Est-ce que l’intelligence artificielle, en nous donnant un accès à l’information toujours plus rapide, synthétique et déjà analysé, accentue cet effet ? Est-ce que nous allons parler dans quelques années d’un « Effet ChatGPT » ou d’un « Effet Gemini » ? L’intelligence artificielle appauvrit-elle notre capacité d’analyse et de rétention de l’information ?


IA et créativité : appauvrissement ou catalyseur ?


Nous avons déjà parlé de l’IA et sa capacité à augmenter notre potentiel créatif. Quand elle est utilisée à bon escient et en tant qu’assistant plutôt que remplaçant, l’intelligence artificielle est capable de nous épauler pour aider à la créativité, et permet même de faire découvrir de nouveaux domaines. C’est par exemple le cas de Suno AI, une IA capable de créer de la musique et qui peut s’avérer être un formidable moyen de s’initier à la création musicale pour les personnes débutantes. On vous explique ici c'est quoi Suno AI et comment ça marche.


Dans le même temps, on peut aussi craindre une standardisation des créations avec des produits générés par IA de plus en plus nombreux. Car si l’intelligence artificielle crée des images toujours différentes d’un prompt à un autre, toutes ces images sont basées sur une base de données identique. En d’autres termes, les matériaux de base sont toujours les mêmes. L’IA ne fait que les agencer différemment à chaque demande. Peut-on alors parler et craindre une standardisation des contenus ?


Pour beaucoup, non. Car « sans créativité humaine, l’IA n’existerait pas. Pourquoi donc se braquer ? ».*Là encore, tout est une question de volonté personnelle. C’est ce qu’explique très bien Bruno Ribeiro, artiste et directeur artistique français : « Lorsqu’on génère des images avec l’IA, on ne se lève pas simplement le matin, café à la main, pour taper quelques lignes de prompts. Ces images font partie de scénarios, de mises en scène travaillées. Dans ma pratique, l’IA n’est jamais une fin, mais un moyen qui me permet d’itérer plus facilement des images qui inspirent ensuite ma créativité ».** On peut aussi imaginer une entreprise voulant créer des contenus à la chaîne, sans grande valeur ajoutée, dans une logique purement quantitative. Dans ce cas de figure, l’humain est totalement remplacé et seule l’intelligence artificielle demeure. Mais la qualité du contenu est-elle présente, ou garantie ?



**IBID


Tout ceci nous amène à nous demander si l’IA nuit à l’originalité. Et pour cette partie, je répondrais personnellement que, encore une fois, cela dépend de l’usage qu’on en fait. L’IA nuit à l’originalité si l’on se repose dessus en intégralité, et que l’on n’ajoute aucune valeur au projet. L’intelligence artificielle, de par la finitude des données sur lesquelles elle base ses résultats, ne peut pas être originale, ou aussi originale qu’un humain. Elle ne peut pas réellement (à son stade technique actuel) innover. Cependant, si l’on décide d’apporter quelque chose d’humain à ce que l’IA crée, si l’on décide de s’en servir comme d’un levier et non pas comme d’une finalité, le résultat sera original, et enrichi d’une nouvelle dimension.

Un robot qui fait de la peinture
L'IA représente-t-elle un rsque pour la créativité et l'originalité ? Image générée par intelligence artificielle.

Le risque d’une dépendance cognitive


Nous avons parlé à travers cet article des divers effets potentiellement néfastes que l’intelligence artificielle peut avoir sur nos capacités cognitives : amoindrissement de la capacité de mémorisation, modification durable de celle-ci et de nos capacités analytiques, perte de compétences de synthèse ou de sociabilisation… tout ceci peut mener à une délégation des tâches cognitives au profit de l’intelligence artificielle.


Des effets similaires ont déjà eu lieu dans l’histoire, comme lors de la révolution industrielle, ou la démocratisation des machines dans les usines a permis d’amoindrir le travail physique, réduisant ainsi la sollicitation du corps. S’ajoute à cela la sédentarisation d’une large partie des professions, avec une augmentation massive des emplois de bureau durant la fin du 20e siècle, favorisant la prise de poids.*



Ainsi, à l’instar de la délégation des tâches pénibles et physiques à des machines, favorisant ainsi la sédentarité et la dépendance à ces outils, l’essor de l’intelligence artificielle pourrait favoriser une sorte de « sédentarité intellectuelle », nous rendant plus paresseux et moins curieux.

La bannière pour la page des musques créées 100 % par l'IA

IA et intelligence humaine : coévolution ou substitution ?


L’IA va-t-elle surpasser l’intelligence humaine ?


Débat présent déjà bien avant l’émergence des IA génératives, notamment grâce aux œuvres de science-fiction dans les jeux vidéo ou dans la littérature, cette question demeure. Pour certains, l’IA ne pourra jamais dépasser l’homme et son intellect, car elle n’aura jamais autant d’originalité et de sensibilité que lui. Pire, elle ne dispose pas de ce que l’humain a : une âme. Privée de sentiments, l’IA ne serait alors qu’une machine capable d’appliquer froidement des calculs. Peut-être pourrait-elle nous battre sur la capacité de calcul, mais pas sur le reste.


Pour d'autres, l'intelligence artificielle sera capable d'être égale, voire supérieure à l'homme. Les progrès de la robotique lui permettront de prendre corps dans notre monde, et l'IA sera capable de toucher, voir, ressentir...



Ce débat, éminemment technique et philosophique, n’est pas près de s’arrêter. Pour le moment, aucune réponse n’est encore possible, tant les progrès dans le domaine de l’intelligence artificielle sont fulgurants et les nouveautés, régulières.


L’importance de l’éducation et de l’esprit critique


Pour le moment, l’IA n’est pas encore capable de remplacer l’homme, et ne saurait être utilisée comme outil final, à l’exception de tâches répétitives et sans valeur ajoutée. L’usage de l’intelligence artificielle doit passer par une sensibilisation quant à ses capacités et ses dangers. Un Claude, Gemini ou Copilot ne sauraient se substituer à un être fait en chaire et en os, et ces outils doivent être utilisés en tant que leviers créatifs et outils pour automatiser les tâches qui ne demandent aucune réflexion ou analyse.


L’intelligence artificielle est en train de redéfinir notre méthodologie et notre manière de penser et de traiter l’information. Bien qu’elle facilite l’accès à l’information et puisse nous aider à approfondir nos connaissances, elle peut aussi créer une dépendance et une paresse intellectuelle et cognitive.


Plutôt que de poser la question comme une dichotomie, à savoir : l’IA rend-elle bête ou non, peut-être serait-il plus judicieux de réfléchir à une manière d’intégrer l’IA dans notre processus analytique et créatif, afin qu’elle nous assiste et augmente nos capacités, et ce, malgré ses progrès techniques fulgurants ?

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