L'IA et le monde du travail : quels rêves et réalités, quels enjeux, quelles conséquences et quelles perspectives d'avenir ?
- Stéphane Guy
- 13 févr.
- 12 min de lecture
L'arrivée de l'intelligence artificielle depuis plusieurs années dans le monde du travail n'est pas sans conséquence ou sans questionnements. Entre les attentes parfois euphoriques que les spécialistes et communautés formulaient il y a quelque temps et la réalité, une différence se fait ressentir. Mais des questionnements quant à l'avenir de l'IA dans le monde du travail sont également présents. Entre éthique, vie privée, remplacement et créations de postes, fantasmes et réalités, quel est le bilan actuel de l'intelligence artificielle au sein du monde professionnel et quelles sont désormais les attentes ?

En bref
L'intelligence artificielle promettait d'automatiser les tâches répétitives pour améliorer la productivité et libérer du temps aux travailleurs. Ces attentes concernaient divers secteurs, du commerce à l'industrie.
L'IA devait optimiser la prise de décision et les processus en entreprise grâce à des outils avancés, facilitant la gestion des données et des communications internes.
Elle a également engendré de nouveaux métiers, notamment dans l'informatique et la data science, tout en faisant évoluer les compétences des travailleurs existants.
Bien que l'IA ait tenu certaines promesses, elle rencontre encore des défis technologiques, éthiques et un manque de personnel qualifié pour l'exploiter pleinement.
Son impact sur l'emploi reste contrasté : si certains métiers sont menacés, d'autres sont créés ou transformés, offrant de nouvelles opportunités aux travailleurs qualifiés.
Quelles étaient les promesses et les attentes vis-à-vis de l'IA dans le monde du travail ?
Une automatisation des tâches et une augmentation de la productivité pour les salariés et les entreprises
Lorsque l'IA a commencé à émerger auprès du grand public il y a quelques années, nombre d'articles ont émis des hypothèses quant à ce qu'elle pourrait faire pour l'homme dans le monde du travail. Une idée revenait en particulier : l'automatisation des tâches répétitives et/ou sans valeur humaine ajoutée. Les promesses à la clé : un gain de temps, d'argent de productivité, mais aussi de meilleures conditions de travail pour les salariés en chair et en os.
Les secteurs concernés étaient nombreux, pour ne pas dire que tout le monde du travail était touché. On peut par exemple citer le commerce avec des Chatbot de plus en plus sophistiqués capable de traiter un nombre croissant de demandes d'assistance, libérant du temps pour les conseillers téléphoniques et pour les demandes complexes nécessitant (vraiment) un humain. Citons également le secteur de l'édition et du journalisme, avec des IA capables de proposer des plans d'articles optimisés et plus complets, ou de repérer les fautes dans un texte avec une précision de plus en plus importante. Les grands groupes industriels voulaient également inclure l'IA dans leurs processus de fabrication, à l'instar d'Amazon voulant des robots capables de trier les colis dans des centres de tri. Bref, une intelligence artificielle plus présente, capable de seconder l'homme et de le soulager des tâches les plus ingrates. D'ailleurs, vous pouvez dès à présent apprendre à utiliser l'IA dans notre article : comment bien débuter et apprendre à utiliser l'intelligence artificielle ?
Une amélioration de la prise de décision et une optimisation des processus au sein des équipes avec l'intelligence artificielle
Si l'IA nous soulage des tâches les plus ennuyantes, elle permet aux équipes de se concentrer sur des missions avec une plus haute valeur ajoutée et leur permet de se concentrer sur ce qui compte le plus. Et cela passe donc par des prises de décisions, potentiellement facilitées par l'intelligence artificielle.
Cette prise de décision optimisée est également (théoriquement) permise par une optimisation des processus de travail grâce à l'IA. On peut par exemple citer Gemini, l'IA de Google, qui promet une meilleure gestion des mails grâce à des processus de résumés ou de réponses automatiques, et même de tri. L'IA serait également capable de prendre des notes de manière autonome et d'en faire un document synthétique et compréhensible.
Une création de nouveaux métiers et une évolution des compétences des postes déjà existants
Si les promesses de l'IA (qui sont nombreuses) sont notamment d'automatiser les tâches les plus simples et de dégager du temps pour les salariés, l'un des effets logiques à cela est une montée en compétences desdits salariés. Pourquoi ? Car des travailleurs avec plus de temps et/ou plus de temps alloué pour les tâches les plus complexes peuvent se concentrer sur des missions demandant une véritable valeur ajoutée. On peut donc supposer que cela conduit à terme à une montée en compétence pour effectuer leur travail.
La conséquence de tout cela serait ensuite l'émergence de nouveaux métiers, notamment dans le secteur de l'informatique et des données (ou data science). En effet, une intelligence artificielle doit être supervisée, surveillée, utilisée correctement, et les résultats doivent faire l'objet d'études. De plus, les IA ne se conçoivent pas seules (pour le moment du moins !). Le résultat de tout ceci est donc l'apparition de nouveaux métiers liés à l'IA et au numérique, comme analyste en données sur l'intelligence artificielle, ingénieur en prompt....
Après les promesses, quel bilan actuellement ? L'intelligence artificielle est-elle au cœur du monde du travail ?
Quels sont les progrès et les réalisations concrètes de l'IA dans le monde du travail ?
Une fois toutes ces promesses vues, qu'en est-il de la situation actuelle ? Est-ce que l'intelligence artificielle est parvenue à honorer toutes ces promesses ? La réponse est positive, mais des progrès sont encore à faire. En effet, plusieurs entreprises, dont des start-ups ont déjà intégré l'intelligence artificielle dans leurs processus de travail.
Nous pouvons citer un exemple assez original avec Capsix Robotics, une start-up française qui a développé iYU, un robot de massage renforcé par l'intelligence artificielle. Cette machine est déjà adoptée par des figures du domaine, à l'instar de Jonathan Grassi, champion du monde de massage. Certaines salles de sports et de gym (dont la sienne) utilisent déjà cet outil. Et les bienfaits de cette machine ne sont plus à prouver selon Carole Eyssautier, cofondatrice de Capsix Robotics : "De nombreuses études scientifiques montrent qu’ils sont très efficaces pour améliorer le sommeil, diminuer le stress et les douleurs dans le dos. Mais ces recherches sont basées sur deux massages par semaine... Ce n’est pas possible pour tout le monde."*
On peut également parler d'utilisations concrètes de l'IA dans le domaine du marketing et de l'IT. Dans ces domaines, l'intelligence artificielle contribue de manière diverse : automatisation des tâches de compilation de données, création de données analytiques pour avoir une vision synthétique des données traitées... "L'IA contribue à des fonctions organisationnelles très diverses, l'automatisation des processus IT et le marketing étant les applications les plus populaires."*
L'intelligence artificielle semble donc remplir ses promesses quant à un gain de productivité et d'efficacité dans les taches peu gratifiantes et répétitives. Cependant, plusieurs obstacles empêchent l'IA d'être à son plein potentiel.
Voir aussi : SearchGPT, c'est quoi et comment ça marche ?
Les défis et les limites rencontrés par l'intelligence artificielle en entreprise
On pense d'abord à un défi technologique qui entrave l'IA. En effet, l'intelligence artificielle est un secteur en plein développement, et bien que beaucoup ai été fait, il reste encore énormément de recherche et de progrès à faire pour arriver à un secteur de l'intelligence artificielle pleinement mature et capable d'épauler correctement le monde du travail et, plus globalement, l'Humanité.
Autre obstacle : la question éthique : "Dans le contexte de l'IA générative, des obstacles supplémentaires apparaissent, notamment les préoccupations relatives à la confidentialité des données".* On a pu le voir avec l'annonce de la fonction Recall de Microsoft pour ses ordinateurs certifiés Copilot+. Cette dernière vous permet de retrouver, via des captures d'écrans faites de manière régulière par votre ordinateur, n'importe quel événement ou activité. Au-delà de l'apparente praticité de cette fonction qui vous permet de retrouver une vidéo, une image ou un article vus il y a plusieurs semaines, la question de la collecte des données et de leur confidentialité se pose. L'IA collecte toutes les données de votre ordinateur via des captures d'écran. mais est-ce que Microsoft les garde ? L'entreprise s'est défendue en affirmant que toutes les données collectées par la fonction Recall restaient en local, et n'étaient pas envoyées en ligne à Microsoft ou aucune autre entité. Mais est-ce la vérité ? Cette fonctionnalité et les questions soulevées par celle-ci nous rappellent que ces enjeux sont cruciaux quand on parle d'IA.
*IBID
Enfin, autre défi rencontré par l'IA : le manque de personnel qualifié pour manier ces nouveaux outils : "Les principaux obstacles à l'adoption réussie de l'IA dans les entreprises qui explorent ou déploient l'IA sont les compétences et l'expertise limitées en matière d'IA (33 %) et la trop grande complexité des données (25 %)."* Nul doute que ce problème tendra à s'amenuiser si l'IA continue son avancée fulgurante avec les nouvelles formations, vocations et métiers que le domaine créé, avec à la clé des salaires parfois très alléchants.
*IBID

Impact réel de l'IA sur l'emploi : création, destruction et transformation des métiers par l'intelligence artificielle
Si l'IA semble bien s'intégrer dans le monde du travail et que sa croissance est rapide, quand est-il de la principale menace dont tout le monde parle : le remplacement des humains par l'IA ? Là aussi, des études existent : "Une étude de la banque d’investissement Goldman Sachs publiée fin mars estime que 300 millions d’emplois sont menacés dans le monde dans les prochaines années." Mais cette étude tempère également en précisant que "63% des emplois sont en réalité plus susceptibles d’être complétés que remplacés par l’IA".*
L'IA ne serait donc pas totalement source de destruction d'emploi, mais plutôt une source de complémentarité et d'aide dans une majorité d'entre eux. Cette thèse est avancée par le rapport de l'OCDE précisant que dans les pays développés, 63 % des salariés ont déclaré que l'IA a amélioré leur qualité de vie au travail.* L'IA serait donc non seulement un bon allié pour travailler, mais également un élément qui est capable d'améliorer la qualité de vie au travail, notamment par le biais de processus optimisés, d'une prise en charge des tâches peu valorisantes et/ou intéressantes, etc. Elle permettrait également un meilleur travail en équipe et en autonomie.
Cependant, tous les métiers ne sont pas épargnés. On l'a dit : 63 % des emplois sont susceptibles d'être complétés, mais cela fait 37 % d'emplois restants véritablement menacés. Parmi eux, on trouve les métiers peu qualifiés comme caissier(e); service client, analyste en données basiques, chauffeur ou encore certains postes en usine.
Pour autant, ces métiers, bien que déjà impactés pour une certaine partie d'entre eux, existent encore. Au-delà de tout ceci, on peut également se poser la question suivante : est-ce un véritable danger pour le monde du travail que certains emplois disparaissent avec l'arrivée de l'IA ? En effet, si l'intelligence artificielle risque de détruire des emplois, elle en crée également. On a donné quelques exemples plus tôt, comme analyste IA ou ingénieur en prompts. D'autres secteurs profitent déjà de l'arrivée de l'IA, notamment l'informatique et la programmation pour rester très global. On a également parlé de la montée en compétence de certains employés grâce à la maîtrise des nouveaux outils IA, qui permet à ces derniers de maîtriser de nouveaux processus et outils de travail et d'avoir une meilleure valeur sur le marché de l'emploi. Si l'IA peut détruire des emplois, elle peut donc aussi en créer et en favoriser. Mais pour que tout cela soit fait de manière harmonieuse, des décisions et politiques doivent être mises en place par un certain nombre d'acteurs.
Les enjeux majeurs et les défis à relever pour l'avenir du travail avec l'intelligence artificielle
Une Adaptation et une requalification des travailleurs nécessaire face à l'IA
Si l'IA permet une montée en compétence des employés et une émergence de nouveaux emplois, ce n'est qu'avec une participation active de la part des entreprises que cela sera possible. Les budgets et les outils alloués pour les équipes devront être revus en conséquence, afin de permettre une réelle montée en compétence.
Les risques de l'émergence de l'IA sont notamment une augmentation de la sous-traitance des tâches et de leur externalisation. C'est par exemple le cas dans le secteur du journalisme, ou des prestataires externes sont employés par des entreprises ou des journaux pour écrire des articles à faible valeur ajoutée. Ces articles sont écrits partiellement ou en totalité par l'IA et favorisent la précarité dans ce secteur.
Il est donc important d'accompagner les travailleurs dans leur conversion et leur acquisition de nouvelles compétences liées à l'IA.
L'éthique et la responsabilité des utilisateurs et administrateurs dans l'utilisation de l'intelligence artificielle
Nous l'avons dit, la question de la protection et de la confidentialité des données est cruciale avec l'IA. Là encore, des acteurs spécifiques doivent jouer un rôle crucial. C'est par exemple le cas de l'Union européenne. Un premier pas a été fait avec la Législation sur l'intelligence artificielle, un règlement proposé en 2021 pour réguler et contrôler l'utilisation des intelligences artificielles en Europe.
L'IA commence en effet à être utilisée dans un large panel de secteurs sensibles, comme la santé. Et l'IA promet également bien des choses ici, comme une "amélioration et sécurisation des diagnostics" ou encore une "amélioration de la prévention des pathologies".*
Cependant, si l'IA a accès à nos données, la question de leur protection se pose, et entre en lien direct avec celle des grands services d'hébergement de donnée : Meta, Microsoft, Apple... L'usage de l'IA doit donc être encadré, mais pas seulement lui. C'est tout notre environnement numérique à un niveau européen, qui doit faire l'objet d'une vigilance accrue.
Voir aussi : Le Deep Learning expliqué simplement : principes et applications dans le domaine de l'IA
Une collaboration entre homme et machine et une augmentation des capacités humaines
Si l'IA se trouve de plus en plus présente dans nos vies, incluant le quotidien professionnel, on peut très logiquement penser à une augmentation de la collaboration entre l'homme et l'intelligence artificielle. Cela est déjà le cas dans plusieurs secteurs du monde du travail : rédaction, programmation, médecine, et même spatial, dans une moindre mesure.
On peut raisonnablement penser que ces progrès de l'IA vont continuer à créer une collaboration de plus en plus importante entre l'homme et la machine, voire de nouvelles formes d'interaction et de nouvelles formes de collaborations. On a pu commencer à en avoir une petite idée avec l'émergence de Copilot+, la certification qui permet aux PC disposant de ladite certification et des spécifications techniques requises pour l'avoir d'embarquer l'intelligence artificielle de Microsoft directement dans leur machine, en local. Plus besoin de connexion Internet, et la latence est également réduite. Grâce à cette nouvelle puissance de calcul et disponibilité de l'IA dans nos ordinateurs, nous pourrons bientôt avoir un véritable assistant virtuel dans notre travail, nos loisirs... de quoi repenser totalement nos interactions avec l'IA, comme l'a montré Microsoft lors de sa démonstration de Copilot+ sur le jeu vidéo Minecraft.
Peut-on par extension parler de capacités humaines accrues grâce à l'IA ? En effet, si des assiatnts virtuels peuvent directement nous aider dans nos logiciels et jeux favoris, le gain de productivité et de temps est certain. De plus, en s'occupant des tâches les plus répétitives à notre place, nous pouvons allouer plus de temps pour des missions à plus haute valeur ajoutée comme nous l'avons déjà dit. De quoi prendre en compétence et faire de l'IA un moteur et/ou une cause majeure de la montée en puissance de l'humanité ?
Les perspectives d'avenir pour l'intelligence artificielle : un monde du travail plus performant, inclusif et durable ?
Les scénarios potentiels et les visions optimistes quant à l'intelligence artificielle
Cette partie est finalement une synthèse de tout ce qui a déjà été dit dans l'article. En effet, nous pouvons imaginer une vision très optimiste pour l'intelligence artificielle et l'homme. Avec notamment un scénario ou l'IA libère l'homme de toutes les tâches pénibles, avec l'aide de la robotique. On peut penser notamment à Amazon qui commence déjà à déployer de manière massive des robots pour aller toujours plus vite et "libérer" ses employés des tâches les plus ingrates.*
*France Info : Amazon annonce l'arrivée de robots humanoïdes dans ses entrepôts pour livrer toujours plus vite
Sur un plan plus personnel et/ou en lien avec le bien-être au travail, on peut également imaginer que l'IA va améliorer ce domaine. Avec une libération des tâches les moins intéressantes, les employés du futur pourront se concentrer sur des missions vraiment intéressantes, et avoir un meilleur équilibre entre leur travail et leur vie privée. On peut au moins imaginer un travail plus intéressant, favorisant un meilleur équilibre ou un plaisir augmenté pour son travail, comme on en a déjà parlé.
La nécessité d'une réflexion et d'une action collective quant à un avenir sain avec l'IA
Cependant, l'intelligence artificielle, malgré un apparent "paradis du travail", demande encore une grande réflexion. En effet, l'IA doit être encadrée comme cela commence à être le cas par les grands acteurs mondiaux comme l'Union européenne. Sans un encadrement juridique et technique strict rigoureux, l'IA peut être déviée de ses objectifs initiaux pour créer des dérives : fausses informations, propagande massive, création de nouveaux procédés de piratage/phishing...
Pour limiter tout cela, un travail de régulation et de législation est certes nécessaire, mais il faut également être pragmatique : on ne peut pas effacer l'entièreté de tous les mauvais côtés de l'IA. Il faut donc également passer par une sensibilisation et une formation aux différents outils IA et à l'intelligence artificielle au sens global. Ainsi, une transition numérique sur ce sujet pourra être entamée et une génération de travailleurs et travailleuses aura été formée et sensibilisée à ce sujet de plus en plus prépondérant et appelé à devenir vital pour les années à venir.
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